Attention aux mesures conservatoires du Trésor Public
De plus en plus fréquemment, le Trésor Public pratique des mesures conservatoires sur le patrimoine du contribuable qui fait l’objet d’un contrôle fiscal par l’administration, alors même qu’il ne dispose encore d’aucune créance certaine et exigible. Une pratique, certes légale, mais qui n’en est pas moins attentatoire aux droits et garanties du contribuable.
Ces droits et ces garanties sont en principe rigoureusement fixés par le Livre des procédures fiscales. A l’issue de la vérification de comptabilité, l’entreprise reçoit une proposition de rectification. Si le contrôle fiscal s’est déroulé dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire, la société dispose d’un délai de 30 jours, pouvant être porté à 60, pour présenter ses observations. L’administration fiscale est tenue d’y répondre. En cas de maintien des rectifications, la société peut, dans certains cas, saisir la Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Sa saisine suspend la mise en recouvrement de l’impôt. Si la Commission rend un avis défavorable au contribuable, ou si l’avis est favorable, mais que l’administration fiscale ne le suit pas, l’impôt est mis en recouvrement.
La demande de sursis de paiement en cas de contrôle fiscal
Le contribuable doit alors présenter une réclamation contentieuse, assortie d’une demande de sursis de paiement. Dès l’instant où celui-ci est sollicité, il est automatiquement accordé. Toutefois, le Trésor Public peut demander des garanties (caution, hypothèque) destinées à assurer, le cas échéant, le recouvrement de sa créance. Une fois les garanties présentées par le contribuable et acceptées par le Trésor Public, le sursis de paiement s’applique. Le contribuable en bénéficie pendant toute la durée de l’instruction de sa réclamation et, en cas de rejet de celle-ci, durant toute la procédure devant le Tribunal administratif. En cas de jugement défavorable, il doit payer les sommes mises en recouvrement, même s’il fait appel, celui-ci n’étant pas suspensif.
Cette longue et complexe procédure permet donc au contribuable, objet d’un contrôle fiscal, de contester les redressements, sans avoir à les payer tant qu’ils sont contestés.
Malheureusement, ces droits sont de plus en plus souvent battus en brèche par le Trésor Public qui peut, dès le début de la procédure du contrôle fiscal, être autorisé à prendre des mesures conservatoires. A l’insu du contribuable, il saisit le juge de l’exécution – magistrat de l’ordre judiciaire – et lui demande de rendre une ordonnance l’autorisant à prendre de telles mesures, comme une saisie sur le compte bancaire du contribuable. Pour obtenir l’accord du juge, il doit juste démontrer que sa créance – qui n’existe pas encore – paraît fondée en son principe et qu’elle est menacée dans son recouvrement. Or, la Cour de cassation a jugé que l’existence d’une simple proposition de rectification suffit à justifier l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe. Quant à la menace de ne pas pouvoir la recouvrer, elle est systématiquement admise dès lors que le montant des rectifications proposées est relativement élevé. Muni de l’ordonnance du juge, le Trésor Public peut effectuer les saisies sur le compte bancaire du contribuable, qui découvre l’étendue des dégâts … lorsqu’il reçoit un coup de téléphone de sa banque.
Comment sortir pour le mieux d’un contrôle fiscal ?
Certes, le contribuable peut, à son tour, saisir le juge de l’exécution pour demander la rétractation de son ordonnance et l’annulation des mesures conservatoires. Mais en pratique, il est très difficile d’obtenir gain de cause, le Trésor Public et le juge s’abritant derrière la proposition de rectification. A partir du moment où celle-ci, même totalement fantaisiste et infondée, suffit à démontrer l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe, les jeux sont faits. Naturellement, le contribuable peut poursuivre la procédure au fond et gagner celle-ci. Mais les dommages provoqués par les mesures conservatoires, notamment en matière de réputation auprès de la banque, sont irrémédiables. Une conséquence dont le Trésor Public devrait avoir conscience avant d’entamer une telle procédure de contrôle fiscal.